Formatrice de yoga pour enfants au Québec depuis 2006, Mme Francine Cauchy a été enseignante et directrice d’école en France. Depuis 12 ans, elle partage son expérience avec des centaines des professeurs de yoga qui ont eu la chance d’apprendre auprès d’elle. Aujourd’hui, elle nous parle de l’enfant, du yoga à l’école et de son livre paru récemment.
Par Valesca da Costa Gehrs
Comment êtes-vous devenue professeure de yoga pour enfant?
Ma première expérience d’enseignement du yoga aux enfants a eu lieu en milieu scolaire. C’est à partir de cette expérience que je suis devenue formatrice. J’étais à la fois professeure de yoga et enseignante en France et je vivais un contexte difficile avec mes élèves; il me fallait les aider à éliminer des choses négatives qu’ils avaient enregistrées l’année précédente. J’avais besoin de faire quelque chose pour qu’ils aient une meilleure image d’eux-mêmes et de l’école, et une bonne relation avec l’enseignante que j’étais. Le yoga a été ma solution, et cela a fonctionné.
Plus tard, après en avoir demandé l’autorisation étant donné le système hiérarchique dans lequel j’évoluais, le yoga a été naturellement inclus dans le projet de l’école. J’étais alors directrice et enseignante, et j’ai pris en charge l’enseignement du yoga dans toutes les classes. J’ai vu rapidement les effets bénéfiques du yoga à la fois sur les enfants qui s’en rendaient compte et les appréciaient, et sur l’ensemble de l’école. L’ambiance générale était plus calme et les enfants plus disciplinés, plus attentifs en classe.
En fait, le projet a eu un succès fantastique. Tout le monde aimait ça. Mes collègues enseignants, mes supérieurs hiérarchiques, les parents, tout le monde trouvait ça super parce que les enfants étaient plus calmes, mais surtout parce qu’ils étaient plus attentifs.
À quelle époque était-ce?
Cela a commencé il y a plusieurs décennies. L’expérience s’est répétée par la suite lorsque mes collègues en exprimaient le souhait, jusqu’au début des années 2000.
Quels sont les principaux bienfaits du yoga pour les enfants?
Tout le monde demande aux enfants d’être calmes. C’est vrai, le yoga les calme. Ce n’était pas tout à fait ce que je voulais au départ. Pour moi, un enfant qui ne bouge pas, un enfant sage, ce n’est pas ce qui m’intéresse dans le yoga pour enfants. Ce qui m’intéresse, surtout, c’est que l’enfant exprime qui il est, qu’il canalise son énergie positivement dans ses apprentissages, quand il est à l’école, bien sûr, mais également pour lui-même, pour être bien dans sa peau et bien avec les autres.
Et cela passe par les postures, la respiration et toutes les pratiques de yoga en classe?
Oui, tout à fait. Toutes les pratiques de yoga restent les mêmes, que l’on s’adresse à des adultes ou à des enfants, mais elles sont adaptées aux enfants, que ce soit en classe sur chaise ou sur tapis, surtout pour les plus petits. Plus ils grandissent, plus on utilise des postures d’adultes. En revanche, les modalités de pratique varient selon l’âge. Elles sont plus dynamiques quand ils sont petits parce que leur système ostéo-articulaire est en croissance et qu’il serait dangereux de tenir les postures. Par conséquent, tout est dynamique. Puis, tranquillement, les postures statiques prennent place au fur et à mesure qu’ils grandissent. Pour la respiration, c’est pareil, il y a des modalités d’intégration, à savoir qu’avant huit ans c’est la respiration naturelle. On ne leur demande rien d’autre. On commence les pratiques de respiration à partir de huit ans, et ce n’est que vers onze ou douze ans qu’on commence à introduire la synchronisation entre la respiration et les postures, mais là encore, on ne les oblige pas à le faire, on leur demande surtout de bien respirer en tout temps.
Quelle serait la meilleure approche pour les adolescents? Il me semble qu’eux aussi ont besoin de yoga.
Je pense qu’ils en ont besoin au même titre que les autres. En fait, il faut les motiver à pratiquer. Que demandent les jeunes? Que ça bouge. Alors même s’ils sont en âge de faire des postures d’adultes, c’est-à-dire des postures statiques, on leur offre un yoga dynamique avec des séquences de postures qui bougent et qui les font se sentir bien et… contents. Il faut aussi varier les postures pour que ça reste intéressant pour eux. À un moment donné, ils ont envie de ralentir, comme tout le monde. Alors, tranquillement, on peut glisser des postures statiques, une, deux, trois… Ils commencent alors à y prendre plaisir et toutes les pratiques prennent leur place, comme les respirations et les visualisations qu’ils adorent et qui font appel à leur imagination, tout en leur permettant de se créer eux-mêmes à partir de ce qu’ils sont à l’intérieur et de créer leur vie. Toutes les techniques sont importantes pour les adolescents.
Et la relaxation? J’imagine que c’est plus facile à travailler avec les ados qu’avec les petits qui bougent tout le temps?
Cela change très vite pour tous. C’est vrai qu’au début, avec les petits, il faut que ça bouge. On ne les empêche pas de bouger non plus en relaxation, mais ce que j’ai constaté c’est que très rapidement ils ne bougent plus et qu’ils y voient un intérêt. Je dirais même qu’ils adorent toutes les petites visualisations parce que cela fait appel à leur imagination. Cela leur plaît beaucoup.
C’est d’ailleurs un peu la même chose pour tous, que ce soit pour les tout-petits, pour ceux d’âge primaire ou pour les ados. Il faut faire attention à ce que la relaxation soit très courte au départ, car il est vrai qu’ils peuvent au début considérer que « c’est plate » et le dire, surtout les petits, qui ont l’impression qu’on les envoie dormir. Donc, il ne faut absolument pas qu’une image négative de la relaxation se crée. Comme c’est un court moment de repos, ils s’y plient et l’apprécient. Tranquillement, on peut en allonger la durée.
C’est la même chose à tous les âges, même pour les adolescents. Au début, ils peuvent trouver ça ennuyeux de s’allonger pour relaxer, mais quand ils voient ce qui se passe, qu’en fin de compte on fait des choses intéressantes pendant la relaxation, ils aiment ça. C’est à nous d’être créatifs pour leur donner envie d’aimer ça. On peut aussi les faire participer, leur demander de nous dire ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas et les écouter, car cela fait aussi partie du yoga.
De plus en plus, certains pays adoptent le yoga à l’école. Même si, au Canada, on n’en est pas encore là, dans l’Ouest canadien, certaines commissions scolaires offrent des formations aux enseignants qui veulent pratiquer le yoga et la méditation de pleine conscience en classe. Comment cela se passe-t-il au Québec?
Au Québec, on commence à y penser depuis déjà un petit moment. J’ai la responsabilité de ce projet et je suis très motivée parce que j’ai déjà utilisé et intégré le yoga à l’école en France, même s’il ne faisait pas partie des programmes à l’époque.
Ici, l’idée fait son chemin depuis quelques années puisque des professeurs formés au yoga pour les enfants interviennent dans les écoles ou les CPE qui en font la demande. Et l’exemple du système éducatif italien et français (et d’autres encore) nous encourage à mettre ce projet d’intégration sur pied au Québec de manière plus systématique.
Le grand intérêt pour les enfants, et en fin de compte pour leurs facultés d’apprentissage, c’est de pouvoir découvrir et consolider la capacité de concentration qu’ils ont en eux. Mettez-les sur un jeu qui les intéresse et plus rien n’existe que ce qu’ils font. Ils ont donc cette capacité d’attention; il s’agit simplement de les amener à la développer.
De plus, le yoga permet de canaliser l’énergie de ceux qui sont les plus remuants ou parfois même hyperactifs, et de dynamiser ceux qui sont avachis sur leur bureau et qui ont l’air de dormir quand ils sont en classe. Cela veut dire qu’ils ont besoin de développer une énergie et de la mettre au service de leurs apprentissages. Le yoga leur permet de faire cela.
En quoi consiste le projet de yoga à l’école, dont vous êtes responsable, à la Fédération francophone de yoga?
Pour l’instant, j’en suis à construire un programme de façon à ce que les professeurs de yoga qui se rendent dans les écoles soient informés, entre autres, de ce qu’est l’école québécoise, du programme d’éducation et de tous les aspects de la croissance de l’enfant. Par ailleurs, les enseignantes, les éducatrices et le personnel intéressés par la formation auront une bonne base en yoga et dans toutes les pratiques. Actuellement, nous sommes à la recherche de personnes-ressources qui pourront nous aider dans ce projet, le but étant de faire reconnaître ce travail autant au Québec qu’au Canada.
Les responsables des écoles pourront alors être assurés des compétences du professeur de yoga pour enfant avant de l’engager?
Tout à fait. Il s’agit d’une formation professionnelle spécialisée qui sera certifiée par la Fédération francophone de yoga, basée sur la laïcité, le respect de l’école, le respect du cursus scolaire et des programmes. En lisant les programmes sur le site Web du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, j’ai pu constater que les compétences transversales développées en yoga — telles que l’attention, la concentration, la mémoire, la connaissance de soi, l’ouverture vers les autres, etc. — sont tout à fait bénéfiques aux apprentissages. Il faut également savoir que les bienfaits du yoga, toutes pratiques confondues, sont prouvés scientifiquement et que d’innombrables études existent à ce sujet.
Pour terminer, parlez-nous du livre que vous avez publié, le Guide pour aider l’enfant à grandir, réussir et s’épanouir , dans lequel vous proposez des routines simples de yoga. À qui s’adresse ce livre?
Il s’adresse à tous ceux et celles qui s’intéressent aux enfants et à leur devenir et qui ont envie de faire des exercices avec eux. C’est important, car actuellement on ne voit aucun enfant sans une tablette. Je ne dis pas que la tablette est inutile, mais je me dis qu’à longueur de temps cela a des effets néfastes, et les études sont là pour le prouver. Il faut aider les enfants à en sortir parce que cela les amène avec le temps à être de plus en plus dispersés, éparpillés; ils manquent d’attention et de concentration.
Le yoga leur permet de se reconnecter avec leur corps, avec la personne qu’ils sont, de revenir dans la réalité et de reprendre contact avec les autres. Le monde en a besoin.
Pour savoir plus sur le travail de Francine Cauchy :
www.institutvidya.org
Pour suivre le projet de yoga à l’école de la Fédération francophone de yoga, consultez la page “Yoga-santé pour les enfants du Québec” sur Facebook
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Mes étiquettes: je suis journaliste de formation, Brésilienne d’origine et Québécoise d’adoption, maman de deux magnifiques perles, conjointe d’un incroyable mec et professeur de yoga pour enfants. Mon contenu: je suis passionnée par le bien-être des enfants (ils sont l’avenir de notre monde!), j’aime apprendre, j’aime les gens, j’adore la nature, la musique et les arts, j’aime la vie et tout ce qui est vrai. Au plaisir de pouvoir enseigner le yoga à vos enfants et/ou à vous !!! Accréditée par Yoga Alliance et Federation Francophone de Yoga.